Dans la crypte, le tombeau d'Adem

*On ne l'avait pas fait attendre... Il avait l'impression qu'à peine le temps de donner les ordres, c'en était terminé. A présent, il restait là, seul, les bras le long du corps, le regard perdu de celui qui ne sait plus quoi faire. Il glissa les doigts sur la pierre froide sous laquelle gisait son fils, mort-né.

"Adem d'Arduilet,
Fils de Morgwen de la Louveterie
& de Rassaln d'Arduilet

Dors en paix, petit ange."

Il traça le contour des gravures du doigt. Un peu plus bas était annoté le triste jour du décès, et aux pieds deux petits bas-reliefs: un taureau et un loup, tous deux de la même taille, allongés et la tête baissée, comme pour marquer leur peine ainsi que de veiller sur l'enfant.

Il n'avait pas versé une larme, malgré la douleur et le vide qu'il ressentait. Sans savoir pourquoi, il prit sa miséricorde toujours éfilée et se trancha les cheveux, juste derrière le catogan. Il laissa tomber la queue entre les deux petites scultures. Bien que ce fut une première, il eut l'impression, comme un écho, que ce geste lui était familier. Peut-être qu'inconsciemment, il marquait par là qu'il avait perdu une partie de lui...

Il rangea son arme et poussa un soupir, fit demi-tour pour s'en aller, et ses yeux tombèrent alors sur le gisant de Fnor. Il fit le chemin qui l'en séparait.*

Vieux Frère... Veille sur lui et aime le, tout comme j'aime ton fils. Si ce n'est pour moi, fait le pour elle...

*Il n'avait pas besoin de prononcer le nom de celle dont il parlait, tant il était évident que c'était à leur épouse qu'il pensait. Il en avait terminé ici, et avait grand besoin d'un bol d'air, et d'un bon bain... Il s'en alla.*

Fearn vit depuis l'un des corps de logis où il s'était placé en attente, lors de l'accouchement de Morgwen, ce n'étais pas sa place, dans ses occupations, il vit descendre Sieur Rassaln dans la crypte, et là mit la main dans sa poche, un billet d'une commande.

Abandonnant sa tâche à d'autre personne il partit à la rencontre de Rassaln, losqu'il arriva à proximité de la crypte il le vit et l'accosta.

Messire Rassaln, désolé de vous interrompre, je viens d'avoir un billet d'une commande qui vous est parvenue.

Tend le billet cachetté.

Le moment est peut être mal choisi, j'en convient, je préfère vous en tenir informé directement.

La Duchesse se leva et le visage en larmes s'avança vers lui... Il eût un choc terrible à la voir dans cet état, lui qui se faisait une réelle et sincère joie de pouvoir enfin la retrouver. Il resta interdit et sentit les bras de Morgwen le prendre.

L'émotion de son amie était palpable, tellement déchirée par le souvenir de son enfant et par l'heureux évènement de ce jour... Kreuz était gêné quelque peu, à cause de l'inconvenance de la situation, mais pis, il sentait sa cape et le bras de Morgwen tout prêt de son bras amputé, de son moignon...

Après un instant d'hésitation, en lutte contre ses propres peurs et blessures intérieures, il redécouvrit Morgwen contre lui toujours à la limite des sanglots. Il déposa sa dextre sur son épaule et la serra à son tour contre lui, doucement, d'un geste protecteur et presque paternel.

Bonjour ma fille...
Bonjour mon amie...

Je sais être là pour vous comme vous le fûtes pour moi ma chère Morgwen.

Il ne saurait jamais ce que c'est que de perdre un enfant, n'étant pas mère et à défaut encore moins père. Mais il avait conduit les siens à la mort, avait déjà beaucoup perdu d'amis et de proches... Et le simple fait de ressentir la détresse de Morgwen valait tous les discours a ce propos...

Il déposa un baiser amical sur ses cheveux eet déserra son étreinte. Il la regarda en souriant tout en allant fouiller une poche sur le côté de sa ceinture, en ressortant un mouchoir de soie. Il leva sa dextre pour tapoter une joue humide et tendit le mouchoir à Morgwe pour qu'elle finisse l'ouvrage commencé... Souriant un peu plus, il tenta un brin d'humour, après tout le seul remède efficace qu'il connaissait avec la prière... Mais il n'était pas sûr de son plan "audacieux"...

C'est de me retrouver mon amie qui vous fait monter ces chaudes larmes ?...

Morgwen s'écarta et prit le mouchoir que son ami lui avait si gentillement tendu après l'avoir réconfortée. Alors qu'elle faisait disparaitre les sillons humides de ses joues, elle ne put retenir un petit éclat de rire franc.

Mais bien entendu! Vous doutez vous un seul instant de ce que cela peut faire de vour revoir après vous avoir cru mort?
Je crois que vous avez eu droit à un panel assez large de réactions, si j'en crois vos lettres...

Elle baissa tout à coup les yeux et faillit s'excuser pour le spectacle affligeant qu'elle avait du donner, mais finalement n'en fit rien. Et releva un regard calme et rasséréné vers lui.

Je... je ne suis plus venue ici depuis l'accouchement. Il fallait que je me laisses aller et que je fasse la paix avant le baptême...

Elle passa son bras autour de celui dorénavant unique de Kreuz et l'invita à la suivre vers les marches.

Comprenez-vous, mon ami?

Kreuz sourit moins gêné en voyant Morgwen réagir positivement. Il hocha de la tête en guise de réponse à la question de la Duchesse en serrant un peu son bras contre son flanc pour sentir la main de Morgwen, cette main qui l'avait guidé dans les âffres de la souffrance et de ses délires moribonds...

Ne voudriez vous pas rester ici un peu plus ? ou seule mon amie ?...

Morgwen serra un peu plus sa main sur le bras et sourit doucement à Kreuz, pensant sûrement à la même chose que lui. Après quelques longues secondes de réfléxion, elle se décida.

Non, je crois qu'il est temps de remonter à la lumière et auprès des vivants. J'ai un fils qui nous attend pour son baptême et cet événement à fêter comme il se doit.
Je suppose que Anthony et Numalane sont arrivés ou ne tarderont pas.
Nous pouvons nous entretenir dans la chapelle, il y fait aussi un peu moins froid...

Kreuz sentit la main de Morgwen se serrer un peu plus, et la regarda réfléchir puis répondre. Il la regardait, heureux de la retrouver reprendre sa joie de vivre habituelle. Il réfléchissait aussi à comment il pouvait se sentir aussi proche d'elle. Il y avait eu toujours une affinité particulière et l'épreuve qu'elle avait aidé à traverser en avait fait à ses yeux une des personnes les plus chères à son coeur. Peu de ses compagnons d'armes ou de sang avaient pu partager autant, en si peu de temps.

Il acquiessa toujours souriant et invita Morgwen à remonter.

Mimant une moue précieuse dont seuls les murs du Louvre connaissaient le secret il osa une réplique.

Allons ma chère amie, retrouvons la lumière du jour et d'Aristote. Que je puisse profiter des vôtres et de votre sourire éclatant.