Ce qui n'était pas gagné. L'avant-dernière lettre qu'elle avait reçue de son filleul ne lui avait pas plu mais alors pas plu du tout et elle y avait fait retour, en colère, une de ces colères bien rares chez elle. Il faut dire qu'elle avait été heurtée, plus qu'elle n'aurait su le dire et qu'en pauvre petite chose blessée, sous le coup de cette ire, elle avait indiqué qu'elle suspendait sa venue à Amboise. Il avait fallu un court billet porté à Blois, une soirée mémorable en taverne en compagnie de sa filleule pour que la suspension de sa visite ne soit plus que de l'histoire ancienne et que le séjour à Amboise soit évoqué comme si jamais elle n'avait eu l'intention d'y renoncer. Ellesya n'avait rien su – non par elle en tout cas – de cette possibilité et à la dernière lettre de Miguaël, elle n'avait rien répondu. Que dire d'ailleurs? Sa position n'avait pas varié et c'était à celle-ci, confortablement installée sur la banquette faisant face à la route de son coche, qu'elle songeait. Le sujet n'était guère réjouissant mais il valait mieux penser à ce problème avec la petite Merveille qui aux yeux de sa marraine courroucée n'avait rien de merveilleux ces derniers temps que de laisser errer son esprit sur tout ce qui était survenu à Dourdan. Trop perturbant, trop émouvant, trop gênant, trop trop trop de sentiments qu'elle ne parvenait à maîtriser. C'était de son fief francilien qu'elle arrivait, accompagnée dans son périple par Aelith-Anna, sa vassale et par Naely qu'elle comptait attacher à son service de manière durable; ces messieurs de la mesnie auxerroise étant trop occupés à contribuer au foutoir en Bourgogne, comme tout bon Bourguignon qui se respecte. Au train de la sombre Prinzessin s'ajoutait celui du comte du Tournel, compagnon habituel de voyage et responsable du trop plein d'émotions qui sourdaient et menaçaient de déborder.
Après la mésaventure survenue – en Touraine d'ailleurs – où celui qui les avait reçu avait formulé des suppositions insensées qui ne pouvaient tenir que de la sorcellerie tant elle mettait grand soin, entraînant certainement malgré lui l'Euphor dans son délire, à ne rien laisse transpirer de ce lien curieux qui les unissait, Ingeburge avait décidé qu'elle ne pouvait plus, ne devait plus, voyager autant en compagnie de celui-ci. Mais voilà, rien n'avait changé, elle était même montée sur la caraque dont il avait fait acquisition et qu'il avait baptisée d'un nom qui sonnait comme un hommage – enfin, un hommage, une revendication! – et qui la plongeait dans la mortification. A sa décharge, elle n'était pas la seule pensionnaire à bord – on se trouve des excuses comme on peut. Là, c'était peut-être parce que c'était la Touraine, à l'occasion d'un événement mondain, que ses craintes et ses idées sur ce qui doit être ou non fait étaient revenues. Ainsi donc, à Dourdan, elle avait indiqué au comte du Tournel que s'ils arriveraient ensemble, ils arriveraient séparément. C'était clair en son esprit mais elle précisa la chose, d'un ton qui ne laissait guère la place aux négociations, déroulant le plan : puisqu'il se trouvait fieffé sur les terres du Lavardin, que celles-ci se trouvaient peu ou prou sur la route entre Dourdan et Amboise, il ferait halte à Aubemare un temps suffisamment raisonnable pour que cela ne parût pas louche et elle filerait droit vers le castel ambacien.
Dourdan, Chartres, Châteaudun, les étapes s'étaient succédé et l'on vit Vendôme où le Languedocien quitta ses compagnes. Pour plus de commodité, c'est le matin de la veille de l'ouverture du tournoi de joutes que celles-ci se présentèrent chez la duchesse d'Amboise. Ingeburge était en voiture, bien au chaud et une petite dizaine d'hommes en armes, dont ses Lombards, l'escortaient et veillaient sur les chariots qui grossissaient les rangs de la troupe. Dans ces véhicules-là, se trouvait notamment la garde-robe de la Prinzessin mais aussi ce qu'elle avait fait venir d'Auxerre et de Donzy en vue de la petite soirée familiale qui se tiendrait en marge des joutes, perspective qui tant l'enchantait que l'inquiétait. Un homme s'avança pour annoncer les arrivantes :
— Que l'on fasse savoir à Sa Grâce la duchesse d'Amboise l'arrivée de Son Altesse la duchesse impériale de Namur, sa marraine.
C'était parti pour des mondanités d'enfer et des retrouvailles en famille non moins infernales.
Dernière édition par Ingeburge le Mer 30 Jan 2013 - 13:45, édité 1 fois
Après la mésaventure survenue – en Touraine d'ailleurs – où celui qui les avait reçu avait formulé des suppositions insensées qui ne pouvaient tenir que de la sorcellerie tant elle mettait grand soin, entraînant certainement malgré lui l'Euphor dans son délire, à ne rien laisse transpirer de ce lien curieux qui les unissait, Ingeburge avait décidé qu'elle ne pouvait plus, ne devait plus, voyager autant en compagnie de celui-ci. Mais voilà, rien n'avait changé, elle était même montée sur la caraque dont il avait fait acquisition et qu'il avait baptisée d'un nom qui sonnait comme un hommage – enfin, un hommage, une revendication! – et qui la plongeait dans la mortification. A sa décharge, elle n'était pas la seule pensionnaire à bord – on se trouve des excuses comme on peut. Là, c'était peut-être parce que c'était la Touraine, à l'occasion d'un événement mondain, que ses craintes et ses idées sur ce qui doit être ou non fait étaient revenues. Ainsi donc, à Dourdan, elle avait indiqué au comte du Tournel que s'ils arriveraient ensemble, ils arriveraient séparément. C'était clair en son esprit mais elle précisa la chose, d'un ton qui ne laissait guère la place aux négociations, déroulant le plan : puisqu'il se trouvait fieffé sur les terres du Lavardin, que celles-ci se trouvaient peu ou prou sur la route entre Dourdan et Amboise, il ferait halte à Aubemare un temps suffisamment raisonnable pour que cela ne parût pas louche et elle filerait droit vers le castel ambacien.
Dourdan, Chartres, Châteaudun, les étapes s'étaient succédé et l'on vit Vendôme où le Languedocien quitta ses compagnes. Pour plus de commodité, c'est le matin de la veille de l'ouverture du tournoi de joutes que celles-ci se présentèrent chez la duchesse d'Amboise. Ingeburge était en voiture, bien au chaud et une petite dizaine d'hommes en armes, dont ses Lombards, l'escortaient et veillaient sur les chariots qui grossissaient les rangs de la troupe. Dans ces véhicules-là, se trouvait notamment la garde-robe de la Prinzessin mais aussi ce qu'elle avait fait venir d'Auxerre et de Donzy en vue de la petite soirée familiale qui se tiendrait en marge des joutes, perspective qui tant l'enchantait que l'inquiétait. Un homme s'avança pour annoncer les arrivantes :
— Que l'on fasse savoir à Sa Grâce la duchesse d'Amboise l'arrivée de Son Altesse la duchesse impériale de Namur, sa marraine.
C'était parti pour des mondanités d'enfer et des retrouvailles en famille non moins infernales.
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