Amboise, les vestiges des festivités lui retournaient le coeur, l'insupportaient... Les rires, la musique, la fête... la fête...

Et le voir partout alors qu'il n'y était plus...
Balcons, lices, salle de bal, jardins, forêts... elle revoyait sa silhouette, son sourire amusé ou tendre quand les autres avaient le dos tourné... les heures, nuits, semaines, années à travailler ensemble...

Elle eut un hocquet avant de s'effondrer sur son prie-dieu, les joues baignées des larmes qu'elle devra contenir en public, le visage dans les mains qu'elle n'arrive pas à joindre pour prier.
Prières qui ne passent pas ses lèvres, retenues dans sa gorge tant qu'elle n'a pas épuisé ses pleurs.

Il la taquinerait sûrement si il était là, en essayant de faire cesser son chagrin.
Elle bouderait...
Il lui rendrait le sourire...
Comme à chaque fois...
Comme à chaque fois qu'elle était triste.
Comme à chaque fois qu'elle était fatiguée.
Comme à chaque fois qu'elle doutait.
Depuis tant d'années et pour toujours pensait-elle... jusqu'à cette lettre qui jonche le sol, sceau brisé, vie brisée.

La Louve pleure, gémit et maudit sans y croire celui qui l'abandonne, celui qui lui a permis de ne pas sombrer, d'avancer, de briller. Sans lui... non... Inimaginable. Il était sa force depuis si longtemps, son soutien, son refuge, son... Leur jardin...

Des heures passèrent dans la froide chapelle.
Les yeux rougis et gonflés, le nez irrité, les doigts bleutés de froid, elle se réveilla en grelottant. Les larmes taries se remirent à couler. Plus doucement. Glacée mais pas jusqu'au coeur. De son sommeil, elle garde une sensation douce parmi l'horreur de la solitude qui l'accable depuis la lettre... la lettre... maudite mine... comté d'ingrats, comte à vomir...

Renifflant et tremblante, elle s'essuye les joues et les yeux. Les larmes roulent à nouveau. Elle sort sa miséricorde. Rassaln l'avait fait, il y avait tant d'années... En ce jour, elle en ressent le besoin à son tour, radicalement.
Devant la surface polie d'un vase d'argent... mèche par mèche, larme par larme, avec à chaque fois la tentation inachevée de ressentir la morsure du fer dans la chair, elle entama le deuil, l'acceptation de la réalité, mais pas de la perte...
Mèche par mèche, larme par larme, disparait la flamboyante chevelure de la belle duchesse qui ne l'est point dans la tristesse...